Le site Oedipe.org vous conseille Le Professeur Freud parle aux poissons, de Marion Muller-Colard et Nathalie Novi !
« En marchant, on pense différemment. En pêchant, c’est encore autre chose. Le professeur a toujours aimé réfléchir aux différentes manières que les humains ont
de penser. » Cet après-midi là, le Professeur tourne en rond. Il fait gris et il regarde par sa fenêtre du 19 de la Berggasse. Il se souvient de son voyage à Paris et, en pensée, il dialogue encore avec Charcot. Il s’ennuie et décide de sortir. En sortant, il trébuche sur sa vieille canne à pêche. Et le voilà en route vers l’étang. Et le voilà qui déroule la bobine de sa canne à pêche pour donner du mou à son fil. « C’est tout à fait cela », dit-il en souriant dans sa barbe. « Nous pensons comme on déroule le fil d’une canne à pêche. Nos idées sont toutes liées les unes aux autres… » Quand… Quand soudain il entend une petite voix. « Par exemple, toi, tu as eu l’idée de la canne à pêche à cause de tes lacets. » Et c’est ainsi que le Professeur engage une longue conversation avec la carpe.
La psychanalyse ou la philosophie ne vivent pas seulement de livres lourds et difficiles à lire, c’est ce que nous prouve cette toute nouvelle maison d’édition, Les petits Platons. Elle nous régale ici avec un très beau livre, avec de très belles illustrations, aussi drôle à lire, et capable d’émerveiller, non seulement nos enfants, mais surtout les enfants qui sommeillent en nous, dont nous nous souvenons. Mais est-ce seulement un livre d’enfants ? Non. Entre les lignes, nous voyons tissés les fils d’un souci théorique sérieux, mais pris avec grâce, humour et poésie.
La carpe parle au Professeur ? « Il est évident que ma chienne peut parler et même que, ce faisant, elle s’adresse à moi… », affirmait Lacan . C’est alors que nous remarquerons que l’auteure de ce conte d’hiver remercie vivement Ferdinand Scherrer, psychanalyste et enseignant à Strasbourg, collaborateur régulier d’Essaim, très sérieuse revue du domaine, et du site Lacanchine, non moins grave. La carpe qui parle au Professeur Freud, serait-elle chinoise, comme ces carpes sorties des beaux livres de contes de Chine ? La conversation avec la carpe se termine par une conversation réelle qu’a eu le Professeur et que tous ceux qui connaissent ses écrits reconnaîtront. Je ne la cite pas, pour vous laisser le plaisir de la redécouvrir. Mais se termine-t-elle, cette conversation ? Elle rebondit plutôt, elle change de sujet. Freud et la carpe entendent des grenouilles qui discutent entre elles, qui se querellent même, non loin d’eux. Ce sont trois les grenouilles. Et qui sont elles ? Ça, Moi et Surmoi. Et elles se chamaillent et chicanent, elles cancanent et caquettent, alors que le Professeur pêcheur et la carpe les observent. C’est une scène digne du Bion de Mémoires du futur, qui met en scène, lui aussi, un drame entre les instances freudiennes de la machine à cogiter, dite appareil psychique .
Après quoi… la fin en apothéose. Nous savons que Freud a analysé rapidement Gustav Mahler. Ce livre se révèle être un beau commentaire, beau dans tous les sens du terme, de ce que Mahler n’aurait pas manqué de dire à Freud, au sujet d’un opéra qu’il composait au moment de son analyse. À découvrir pour ces fêtes de fin d’année !