Belgique : la revue Lectures vous recommande les petits Platons !

Belgique : la revue Lectures vous recommande les petits Platons !

Lectures 191, mai-juin 2015

La revue Lectures, revue des bibliothèques de Belgique francophone, raconte à ses lecteurs l'aventure des petits Platons !

 

Les petits Platons : des philosophes en mots et en images

Les petits Platons, c’est le nom d’une jeune maison d’édition et celui d’une librairie installée depuis peu à Paris. Mais, avant tout, c’est une collection de beaux carnets d’une soixantaine de pages, accessibles dès l’adolescence, invitant, par le biais de la fiction, à faire quelques pas dans l’univers de « grands » philosophes.

Depuis le tournant du millénaire se sont multipliées les collections de livres jeunesse liées de près ou de loin à la philosophie. Ainsi, dès 2001, sont apparus, chez Milan, « Les Goûters Philo », suivis, notamment, par « PhiloZenfants » chez Nathan, « Philosopher ? » aux Éditions Le Pommier ou, encore, « Chouette! Penser » chez Gallimard Jeunesse… Chez nous, la revue Philéas & Autobule, soutenue par le ministère de la Communauté Wallonie-Bruxelles, est déjà riche d’une bonne quarantaine de numéros. La plupart de ces initiatives sont bâties sur des thèmes : dans « Les Goûters Philo », on repère, par exemple, La Chance et la Malchance, Moral et pas moral, Mes premières grandes questions, La Dictature et la Démocratie, La Tristesse et la Joie, Possible et impossible… sans oublier l’incontournable Être et avoir. Développant desprojets originaux, la plupart de ces initiatives se rejoignent sur leur refus de présenter ce qu’on pourrait appeler une galerie de philosophes. Or, quand, en 2009, Jean-Paul Mongin décide de se lancer dans l’édition et de construire une collection s’adressant prioritairement à la jeunesse, il part d’un autre point de vue. Son projet est, en effet, d’introduire les jeunes, dès l’enfance, à la pensée des « grands » philosophes : « Pourquoi ne pas parler de Descartes, de Socrate à des enfants, d’une façon qui ne serait pas uniquement biographique, de façon à restituer la saveur d’un univers philosophique ? » Mais comme il a l’ambition de s’adresser « aux lecteurs de 9 à 99 ans », le défi est au moins double : être compris par les plus jeunes, tout en captant l’intérêt des plus vieux !

De la philo à la fiction

« Les petits Platons ! », en choisissant ce titre, Jean-Paul Mongin place sa collection sous l’aile d’un des premiers philosophes occidentaux, considéré même par certains comme l’inventeur de la philosophie. Mais, en plus, comme Platon s’exprime à travers ses fameux Dialogues et que Socrate y joue un grand rôle, il tient là une vedette incontournable pour ses premiers livres. Des petits Platons consacrés à Socrate, il y en a déjà trois : La Mort du divin Socrate d’après L’Apologie, Criton et PhédonSocrate sort de l’ombre, d’après La République ; Socrate est amoureux, inspiré du Banquet. Le postulat de départ impose que Les petits Platons racontent des « histoires » inspirées, quand c’est possible, des fictions que les philosophes ont eux-mêmes produites. Mais les philosophes qui ont produit des fictions ne snt pas légion, et encore plus rares sont ceux qui ont écrit des fictions accessibles à la jeunesse. Il s’agit donc de trouver des auteurs capables d’appréhender l’oeuvre d’un penseur et prêts à faire l’effort de s’adresser au jeune public. C’est le cas de Jean-Paul Mongin lui-même que ne rebute pas l’animation d’ateliers philo avec des enfants. Il a donc d’emblée pris en charge un certain nombre de titres. Reconnaissant néanmoins que certains d’entre eux lui ont donné du fil à retordre ! Ainsi, La Folle Journée du professeur Kant : « Kant est un sujet nettement plus difficile que Socrate. Il est un philosophe quasiment sans fictions. » Quant à Denys l’Aréopagite et le nom de Dieu, « il lui a pris tout un été ». On le croit volontiers. N’oublions pas que l’Histoire mêle deux Denys. Le premier, dont la vie nous est contée ici, ce personnage qui se serait manifesté devant l’Aréopage grec et qui aurait été converti par l’apôtre Paul. Le second, Pseudo-Denys, qui vécut cinq siècles plus tard et qui plaça son oeuvre sous le patronage du premier.

Docteur en philosophie, Yan Marchand est écrivain et Breton. Intervenant dans les écoles, mais aussi en médiathèque et en entreprise, il a fait de l’animation en philosophie son métier. Et, au passage, le projet des petits Platons l’a manifestement séduit. Quatre volumes sont déjà nés sous sa signature : après avoir pris en charge un Socrate, un Diogène et un Épicure, il s’est tourné vers Heidegger. Pas simple d’écrire une fiction accessible auxenfants sur ce philosophe existentialiste à la réputation sulfureuse ! Il s’en tire joliment grâce à une fable animale pleine d’humour et qui peut se lire à divers niveaux. Le Cafard de Martin Heidegger ! Hé non, ce titre ne fait pas référence aux idées noires qui auraient envahi l’esprit du philosophe. C’est dans un cimetière que Yan Marchand donne rendezvous au lecteur. Martin - une blatte pleine d’angoisse - a entrepris d’y explorer le corps de feu Heidegger, en compagnie d’un escargot prénommé Épicure et d’une colonie de fourmis noires particulièrement intolérantes…

Révéler le sens sans le définir

À côté de ces fictions imaginées par les « médiateurs généralistes » que sont Jean-Paul Mongin et Yan Marchand, sont apparus en quelques années une vingtaine de titres signés chacun par un ou une spécialiste du philosophe choisi. Pour certains d’entre eux, c’était la première fois qu’ils devaient veiller à être compris non seulement par des « non-philosophes », mais, en plus, par des enfants ou, au moins, des jeunes adolescents. L’exercice tient sans doute parfois du tour de force !

Olivier Abel avait déjà écrit à l’intention des ados. C’est lui qui a rédigé La Conversation dans la collection « Chouette! Penser » de Gallimard Jeunesse. À la Faculté de théologie protestante de Montpellier où il enseigne, il s’occupe du Fonds Ricoeur dont il fut l’élève. Pour Les petits Platons, il a imaginé une conversation entre Paul Ricoeur et une chouette. L’idée est belle : cet oiseau de la nuit n’est-il pas le symbole de la philosophie ? Olivier Abel nous apprend que le philosophe possédait des centaines de figurines de chouettes dans sa belle maison de Châtenay-Malabry. Et il est clair qu’une chouette - tout comme un petit enfant - peut se permettre de poser des questions indiscrètes. Les réponses notées par Olivier Abel expriment avant tout l’amour d’un vieil homme pour les livres et la lecture. Un homme pour qui la question n’était pas « d’accepter de mourir, mais d’accepter d’être né : se dire oui à soi-même : Le Oui de Paul Ricoeur. Raconter Le Capital aux enfants est une entreprise audacieuse. Même pour quelqu’un qui, comme Ronan de Calan, a gardé « une affection et une admiration sans bornes » pour l’auteur du Manifeste ! Or cet enseignant en philosophie des sciences s’est lancé dans l’aventure avec compétence et humour. Le lecteur est entraîné par Karl Marx lui-même - sur un ton de joyeux luron - dans une impeccable explication des lois du marché, des différences entre valeur d’usage et valeur marchande, de la force de travail et du profi t capitaliste. Bref, toutes ces « menues choses » qui sont longuement exposées dans le premier livre du Capital. Et, apparemment, les collègues de Ronan de Calan à la Faculté d’Orsay, ayant eu vent de la parution du petit Platon Le Fantôme de Karl Marx, se sont empressés de lui demander un exposé sur le sujet !

Les petits Platons ne s’occupent-ils que de la philosophie occidentale ? Non. Un Lao-Tseu est paru. C’est grâce à Tintin et à son Lotus bleu que les enfants de chez nous ont entendu parler de ce personnage qui serait né à l’époque de la dynastie Zhou. Rappelez-vous cette rencontre belliqueuse : « Il faut trouver la voie ! Moi je l’ai trouvée. Il faut donc que vous la trouviez aussi… Je vais d’abord vous couper la tête. Ensuite vous trouverez la vérité ! » Tout au contraire, c’est une fort jolie histoire que raconte Miriam Henke - sinologue et traductrice - dans Lao Tseu ou la voie du dragon. Par une nuit chaude et claire, une jeune Chinoise, le regard levé vers le ciel, aurait vu passer une comète et en aurait avalé avec le noyau la prune qu’elle dégustait. Elle auraitdonné naissance à un enfant né avec des cheveux blancs et une barbe blanche : Lao Tseu !

En ouvrant un petit Platon consacré à Albert Einstein, on rêve d’y découvrir une fiction autour de l’abandon d’un temps absolu dans lequel baignerait un espace qui en serait séparé. La tâche a été confiée au polytechnicien Frédéric Morlot. L’ouvrage Les Illuminations d’Albert Einstein est un exercice brillant, mettant en scène un Einstein jeune accompagnant son oncle électricien chargé de l’éclairage à la foire de Munich. Et voici le lecteur prisonnier dans un lieu où toutes les dimensions sont bizarrement bousculées. Mais Frédéric Morlot, vulgarisateur de talent, n’a-t-il pas voulu expliquer trop de choses en soixante pages ? Pour certains lecteurs, cette fiction sera peut-être plus compliquée à lire que les textes écrits par Einstein lui-même expliquant la relativité aux « profanes ».

Marion Muller-Colard, auteure chez Gallimard Jeunesse du roman Prunelle de mes yeux, avait déjà rédigé un petit Platon consacré à Freud, Le professeur Freud parle aux poissons. Manifestement, cette théologienne protestante qui, nous dit-on, écrit depuis son plus jeune âge, possède cet art de conter « qui révèle le sens, sans commettre l’erreur de le définir » comme disait Hanna Arendt. Et c’est précisément vers cette philosophe qui préférait se définir comme professeure de théorie politique qu’elle se tourne à présent : Le Petit Théâtre de Hannah Arendt est l’un des plus récents titres parus. 1975. Un soir de décembre dans un immeuble de Manhattan, Hannah Arendt tente, malgré sa fatigue, d’achever La Vie de l’esprit, dont elle avait entamé l’écriture après avoir assisté au procès d’Eichmann. Quand, traversant le miroir, débarque une petite fille, une Hannah de 8 ans ! La « grande »entraîne la « petite » dans un théâtre. La scène se transforme en agora. Et voici que défile l’histoire de notre société occidentale, commentée par la « grande » à l’intention de la « petite ». S’arrêtant évidemment longuement, sans la nommer, sur la période sombre du nazisme, au centre de la réflexion de Hannah Arendt.

Il n’y a pas que les mots

La collection « Les petits Platons » compte à présent un peu plus de vingt-cinq titres. Imprimés en France sur papier Fedrigoni, ce sont de beaux « objets-livres ». La graphiste, Yohanna Nguyen, Art Director de la maison, enseigne, nous dit-on, au Paris College of Art. Chaque cahier est confié à un illustrateur ou une illustratrice qui s’efforce de porter la pensée parfois même là où les mots s’arrêtent. La plupart de ces artistes sont passés par l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. Certains noms - Nathalie Novi, Ghislaine Herbera, Clémence Pollet… - sont déjà familiers aux lecteurs d’albums jeunesse. Les premiers pas des autres dans ce domaine sont prometteurs : on songe à Mayumi Otero, à Eunhwa Lee, à Annabelle Buxton… Mais on songe aussi aux gravures de Sylvestre Briquet, aux sculptures de François Schwoebel…

La réédition entamée en format de poche grâce à un partenariat avec le quotidien Le Monde et deux autres magazines du groupe, Télérama et La Vie, permettra sans doute d’élargir le lectorat de la collection. Imprimée en Chine et abandonnant, hélas ! au passage,le beau papier Fedrigoni, sa présentation en coffret est séduisante. Quant à l’avenir, les prochains volumes annoncés renseignent Galilée, Deleuze, Héraclite et Pic de La Mirandole. Mais Jean-Paul Mongin évoque aussi « d’autres grands noms » tels qu’Aristote, Machiavel, Spinoza ou Whitehead... Peut-être n’y aura-t-il pas de Voltaire avant longtemps, l’éditeur ayant des mots peu amènes pour l’auteur de Candide. Mais pouvons-nous espérer des femmes philosophes ? Et aussi d’autres escapades en dehors de la philosophie occidentale ?

 

N.B. : Tous les numéros de la revue Lectures sont en libre accès en ligne

 

Revue de presse

Retrouvez dans ce catalogue la présentation de notre dernier titre des petits platons : Newton et la confrérie des astronomes ainsi que neuf de nos meilleures ventes !

Coopération n°34, le 22 août 2017
Les tout petits Platons sont à l'honneur dans le magazine Coopération !
RFI 23 juillet 2017
Pour qu’une société juste soit d’actualité, il faudrait que le philosophe devienne roi
 
Deux minutes papillon, France Culture, 3 mai 2017 par Geraldine Mosna-Savoye
Socrate président ! s'adresse entre dessins et savoir, aux jeunes philosophes
Famille Chrétienne du 28 avril 2017
Un moment de philosophie politique qui tombe à pic.
Mythologie(s), mars 2017
Une recension sensible du Secret d'Edith Stein.
 
Sciences Humaines (n°289), Février 2017
Le magazine Sciences Humaines met en avant Les petits Platons dans son dossier « Philosopher avec les enfants. »
Le Temps, 23 janvier 2017
On parle des petits Platons dans le magazine Le Temps.
Radio 16, le 20 janvier 2017
RADIO 16 s’intéresse au dernier ouvrage de la collection des petits Platons, Le Secret d’Edith Stein.