La librairie belge Ptyx vous présente l'ouvrage de Lorenz B. Puntel, La philosophie comme discours systématique !
En tant que lecteur assidu des philosophies contemporaines, nous sommes depuis longtemps frappés de constater à quel point la méconnaissance est grande, dans les « milieux philosophiques français », de pans entiers de la pensée philosophique actuelle. Cette méconnaissance – qui n’est pas sans être teintée d’un soupçon de mépris – est d’autant plus questionnante qu’elle est très souvent à sens unique. Car, si les grands noms de la philosophie analytique sont inconnus (quant à être lus…) de beaucoup de « penseurs continentaux », l’inverse n’est pas vrai. Touchez un mot de David Lewis, de Carnap, d’Austin, de Frege, dans certains milieux universitaires francophones, vous éveillerez souvent dans les regards au mieux un clignement apathique, au pire une lueur dégoutée. Cela alors même que des Badiou, Foucault, Meillassoux ou Deleuze auront été abondamment lus, discutés et intégrés de l’autre côté de l’Atlantique ou dans des pays comme l’Italie ou l’Allemagne. La France faisant alors figure de vieux bastion jargonnant, installé sur l’idée d’un clivage irréductible comme un vieux coq sur son fumier.
Des initiatives telles que celle développée dans ce livre en sont d’autant plus précieuses.
Dans cette collection, la maison d’édition Les petits Platons se propose de nous faire découvrir, par le dialogue, la pensée d’un grand philosophe contemporain méconnu. Et que dire de celle que se propose de nous donner à découvrir ici Emmanuel Tourpe, sinon qu’elle bouscule radicalement – et donc utilement – les fondements mêmes de nos pensées.
Puisant chez Heidegger ou Thomas D’Aquin, chez Wittgenstein ou dans les développements de la logique modale, s’enrichissant d’une critique ferme mais éclairée de ses contemporains, le projet de Lorenz B. Puntel – inconnu en France mais monstre sacré en Allemagne – n’est ni plus ni moins que de refonder la métaphysique.
Pour Lorenz B. Puntel, si la question de l’être échoua toujours a être résolue, c’est aussi qu’elle fut toujours mal posée. Ainsi (reprenant avec sagacité Heidegger) nous montre-t-il à quel point ce fut toujours l’étant qui forma le cœur de cette recherche alors même qu’on pensait la mener sur l’être. Utilisant les mécanismes de la causalité, le métaphysicien remonte alors d’un étant l’autre jusqu’à une forme d’ultime étant, de super étant, qu’il nomme « être », un peu « rapidement » par défaut d’y atteindre. Pour échapper à ces failles, Lorenz B. Puntel se propose de refonder le langage métaphysique en en éliminant la phrase prédicat/sujet, celle-ci portant en elle les stigmates des échecs passés, inféodée qu’elle est dès l’origine à une idée de ce qu’elle se propose de sonder. S’ensuivent des considérations sur la bi-dimensionnalité de l’être (l’utile, le contingent), sur la question philosophique de Dieu, sur les fondements aristotéliciens de la substance.
Il ne rentre évidemment pas dans le cadre de ce petit livre d’explorer dans tous ces recoins une pensée. Et l’exercice maïeutique quand il s’articule de la sorte – le questionneur tentant parfois à peu de frais de se hisser à la hauteur du questionné – n’a pas pour fonction d’accoucher de sa totalité. Fonctionnant comme un ouvroir vers celle-ci – et, espérons le, comme un appel à en traduire les maîtres-textes -, ce dialogue, d’une précision impressionnante, d’un didactisme éclairé, permet cependant d’approcher d’assez près déjà la pensée de Lorenz B. Puntel pour la savoir fondamentale. Et de nous rappeler, tout bêtement, que la tâche du penseur devrait être de d’abord se saisir d’une pensée autre avant de la juger incompatible avec la sienne…