Un des plus beaux articles parus à ce jour sur la collection... Esther Lardreau, université de Paris 7, philosophies et histoire de la médecine. A paraître: «An Approach to 19th Century Medical Lexicon: The Term "Dreamy State"», Journal of the History of the Neurosciences, 2011, 20:1-8.
Parmi les étranges livres qui s’exposent du 1er au 6 décembre 2010 au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse, on trouve les Petits Platons. C’est en 2009 que la maison d’édition Les Petits Platons naît d’une idée de Jean Paul Mongin, qui publie des récits philosophiques, s’adressant aux enfants, de 9 à 14 ans environ (les plus petits y peuvent avoir accès à travers les illustrations, ou par la lecture donnée par les parents; les plus grands aussi y trouveront occasion d’émerveillement).
Un pari difficile, mais réussi. Parler de philosophie aux enfants – c’est à la mode, dira-t-on, et peut-être même vulgaire. Dangereux encore, quand l’enseignement de la philosophie quitte la classe de Terminale, où elle avait trouvé sa spécificité, sa grandeur, pour entrer en classe de seconde, et se confondre avec un enseignement d’éducation civique (on songe aux leçons de morale, mieux encore aux leçons d’orthographe de Topaze, la condition de Cripure dans Le Sang Noir semblant, au professeur de philosophie de lycée aujourd’hui, préférable...)
Dans les Petits Platons, il n’y va ni d’un cours élémentaire, ni même d’une réflexion se proposant de recueillir petites et grandes questions que les enfants d’habitude abordent: «pourquoi donc c’est comme ça?», «et quand est-ce qu’il va mourir?». L’objectif est autre, plus ambitieux sans doute, sans prétention pourtant, tenant compte de la nature même du discours philosophique, et reposant sur une définition non triviale de l’activité de pensée.
Inviter l’esprit d’un enfant, par le récit, la fiction, à la pensée, ce n’est pas tant, comme souvent l’on dit, entendant la maxime kantienne (“aie le courage de te servir de ton propre entendement” – sapere aude!) en un sens que Kant jamais n’eût souhaité entendre, le faire «penser par soi-même», lui faire découvrir, en son propre fonds, des semences de vérité qui pourraient bien n’être que les opinions qu’il a de ses éducateurs et parents prises, que l’inviter à accueillir la pensée d’un autre, à saisir une vision du monde: «à travers une histoire, embrasser la vision du monde d’un grand philosophe».
Car il se pourrait bien qu’il y ait infinité d’histoires, comme il y a infinité de mondes possibles. S’il y a but pédagogique, alors, c’est au sens où il y va d’un exercice, d’une éducation du regard. Ainsi sont parus, écrits par Jean Paul Mongin lui-même: La mort du divin Socrate, La Confession de Saint Augustin, Le malin génie de Monsieur Descartes, Le meilleur des mondes possibles, La folle journée du professeur Kant. D’autres ont suivi, avec pour auteurs: Ronan de Calan (Le fantôme de Karl Marx), Olivier Abel (Le Oui de Paul Ricoeur), Miriam Henke (Lao-Tseu ou la voie du dragon). Le malin génie de monsieur Descartes et La confession de Saint Augustin ont été traduits en portugais.
D’autres traductions sont en cours. Des illustrations colorées accompagnent le conte, qui s’offrent comme un repos, parfois, pour l’esprit trop attentif, lequel, s’il veut méditer longuement encore, préfère s’aider un peu de l’imagination et des sens: bien qu’elles proviennent d’illustrateurs différents (Yann le Bras, Laurent Moreau, Julia Wauters, François Scwoebel, Marion Jeannerot, Jérôme Meyer-Bisch), et qu’elles présentent une riche diversité, elles ont cependant une homogénéité, et par les couleurs, et par les figures. Une belle collection pour enfants qui, ose-t-on dire, est aussi une réussite philosophique.