Retrouvez La Couleur du matin profond, le beau titre de Pierre Magnard, dans la revue en ligne Réseau-Regain !
Entré en khâgne pour y devenir traducteur de Virgile et d’Homère (il « écrivait mieux en latin qu’en français»), Pierre Magnard reçut de Jean Beaufret l’interpellation de Heidegger, qui fit vaciller ses certitudes et certaine manière d’être chrétien. Ce vacillement le conduisit vers Pascal, dont l’angoisse colore la foi d’une manière inoubliable, lequel Pascal le conduisit à Montaigne, ami de toute une vie. Deux figures en miroir entre lesquelles il lui parut urgent de ne jamais choisir, et auxquelles il consacra beaucoup de son travail, comme à ces philosophes de la fin de Moyen Âge et de la Renaissance que René Char eût dit des Matinaux. Un humanisme faisant l’épreuve du néant en l’homme et du silence de Dieu était possible, dont Maître Eckhart et Nicolas de Cues montrent le chemin. Un christianisme aussi, fondé non sur l’usage d’une raison dogmatique mais d’une raison joueuse, laquelle, tout en sachant que c’est le coeur qui lui donne ses principes, se déploiera en toute liberté.
Au fil des pages, donc, l’auteur retrace son chemin de philosophe, qui fut la répétition de l’expérience socratique d’un échange de regard entre le maître et le disciple, et embrasse avec une érudition jubilatoire toute l’histoire de l’Académie, des premiers néoplatoniciens à Charles de Bovelles, dont il révéla l’oeuvre à la communauté savante. L’auteur revient aussi, avec une lucidité remarquable, sur les derniers brasillements des Humanités ainsi que sur le rapport de la philosophie française avec Heidegger. Ce livre retrace le chemin d’un philosophe, professeur émérite en Sorbonne, jusqu’à la couleur du matin profond.