Voici l'introduction de l'article d'Anne Diaktin, "Les Philosenfants", paru le 30 avril dernier dans Libération...
"Rien n’est plus pacifique, pourrait-on penser, que la philosophie à l’adresse des enfants. Tout le monde semble s’accorder : l’enfant est naturellement philosophe et se pose des questions dès le plus jeune âge sur l’origine du monde, la vérité, la mort, l’amour. Contrairement à l’adulte, le petit humain s’étonne de tout et questionne les évidences, démarche philosophique par excellence.
Depuis quelques années, la philosophie par ou pour les enfants fait un carton. L’épithète "philosophique" est accolée aussi bien à des pratiques scolaires qu’à des goûters ou à des petites conférences extrascolaires. Si le terme change de sens selon les usages qu’on en fait, les enfants concernés sont eux aussi très divers : de la lisière du langage en classe de maternelle, jusqu’à l’adolescent ou au jeune adulte. Étrangement, dans le cadre scolaire, ces expériences dites philosophiques sont accueillies plus aisément dans les petites classes que dans les collèges.
Les initiatives ont lieu partout, dans les beaux et moins beaux quartiers. Gilberte Tsaï, directrice du centre dramatique national de Montreuil, invite une fois par mois des universitaires reconnus - Barbara Cassin, Jean-Luc Nancy… - à de petites conférences devant des petits.
Autre signe, le documentaire Ce n’est qu’un début, de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier, sorti en salles en novembre, montre un atelier philo sur un an dans une classe de grande section de maternelle. Et encore la multitude des collections philosophiques jeunesse, les éditeurs étant les premiers à avoir tenté de répondre à cette appétence des petits. Beaucoup de collections s’ancrent sur les interrogations métaphysiques des enfants et sont dirigées ou écrites par des philosophes - Myriam Revault d’Allonnes a fondé "Chouette ! Penser" chez Gallimard, par exemple. Dernière arrivée, les Petits Platons, une maison d’édition qui vient de fêter sa première année et dont certains titres sont déjà épuisés. De La Mort du divin Socrate au Malin génie de Monsieur Descartes, les enfants sont invités à entrer dans l’histoire de la philosophie.
Pourtant, dès qu’il s’agit de réfléchir sur la pratique dans un cadre scolaire ou extrascolaire, c’est la foire d’empoigne et les réactions les plus virulentes proviennent des philosophes professionnels - même si le premier philosophe français à avoir cru en la puissance philosophique des enfants et défendu un enseignement pour les plus jeunes est Jacques Derrida, il est vrai en marge des institutions. L’argument le plus souvent invoqué est que la philosophie est une discipline, avec sa rigueur, l’apprentissage de la lecture des textes, sa scientificité. Qui plus est, parmi les propagateurs de la philosophie pour enfants, aucun ne s’accorde sur la méthode à suivre : travailler avec ou sans support ? Un support tiré des textes canoniques ou un album ? Animé par un adulte qui injecte du contenu ou qui passe silencieusement la parole sans influencer le groupe ? Autant d’écoles, pas particulièrement iréniques.
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