Il faut se méfier des « petits éditeurs », ils ont de grandes idées. Rien ne le démontre mieux que ces « petits Platons » et leurs dialogues. Pierre Magnard se prête ici au jeu dans une leçon de philosophie comme on souhaiterait en lire souvent. Comme quasi tous les commentateurs français, il s’est soumis à la mise au pas heideggérienne mais comme peu d’entre eux, il en a tiré un rythme propre, une redécouverte du néo-platonisme et de son homologie avec la théologie chrétienne. Pascal est en réalité plus radical que Heidegger en ce qu’il définit l’être non comme objet de la raison au même titre que tout le reste, non comme principe, cause première ou concept mais comme un indéfinissable, irrémédiablement autre et toujours au-delà de ce qu’on peut en dire. Le Dieu de Jésus-Christ est présence dans l’absence, celle du tombeau vide, preuve irréfutable d’un Dieu vivant. La mauvaise crainte est celle de l’athée qui redoute de trouver Dieu. Or il n’y a de joie à vivre que si l’on n’a pas esquivé l’angoisse d’être et la bonne crainte de l’enfer qui ne va pas sans l’espérance d’être sauvé. Ce dialogue entre P. Magnard et É. Fiat soulève des questions que des ouvrages plus prétentieux n’ont pas l’audace de poser. On soulignera toutefois pour notre part le danger qu’il peut y avoir à exalter un absolu contre lequel buterait la raison, car s’il n’y a plus de rapport entre logos divin et logique humaine, cela conduit à une disjonction entre foi et raison, et dans ce fidéisme, que l’on regretterait de voir institutionnalisé, c’est la foi qui a sans doute le plus à perdre. Pourquoi d’ailleurs réduire la raison à un instrument de calcul, une technique aplanissant les mystères et arraisonnant les êtres ? Ne peut-on pas défendre une autre conception de la raison – une raison pratique, éthique, ouverte à la révélation ?
Laurence Devillairs